La sculpture, l'un et le multiple
Ce rapport étroit au multiple, qui s’explique en partie par des considérations techniques, existe depuis l’Antiquité à travers les copies romaines d’originaux grecs. Il va traverser les siècles et engendrer un regard chaque fois renouvelé sur la sculpture, sur son statut, ses usages et sa valeur intrinsèque. Porté par l’amour de l’antique et le prestige que sa possession engendre, le double devient signe d’ostentation de la Renaissance au XVIIIe siècle. Avec le néo-classicisme, la sculpture antique, qui incarne la valeur normative du Beau, essaime à des fins didactiques, à travers notamment les moulages en plâtre. Ceux-ci sont largement diffusés dans les musées, écoles et ateliers d’artistes. Au XIXe siècle, l’industrie triomphante va inventer des procédés de duplication à l’infini qui vont permettre aux classes bourgeoises d’entrer en possession de réductions en bronze des chefs d’œuvre de la sculpture, jusque-là réservés à l’élite. Cet élan sera toutefois contrarié à l’orée du XXe siècle par un retour vers des formes d’art plus « artisanales » où la main (re)devient une valeur recherchée. Taille directe et fonte à la cire perdue seront alors privilégiées. Les théoriciens et législateurs n’auront de cesse d’interroger le statut des bronzes jusqu’à définir juridiquement leur « originalité », laquelle sera désormais garante de leur authenticité. Simultanément, dans ces années d’Après-Guerre, certains artistes vont utiliser à dessein le multiple pour questionner le concept même de l’art dans une société qui oscille entre production de masse et culte de l’unique. Ce débat ne cesse d’animer encore aujourd’hui le monde de l’art contemporain…
Publié le 28/07/2022