Sortir : Vous êtes cinq dans le collectif. Il y a d'autres membres qui gravitent autour ?

Mathieu Ehrhard : A chaque spectacle on demande à d'autres personnes de nous accompagner. Sur L’assommoir  on travaille avec deux autres comédiennes, Charlotte Krenz et Lucie Hannequin et un metteur en scène, David Czesienski. On essaie de s'entourer d'autres membres, de ne pas rester juste nous cinq.
 
Sortir : Vous êtes le noyau dur d'un système à géométrie variable. Comment est né ce projet de collectif ?
M. E : Nous sommes issus de la première promotion de l' ESTBA, on est sortis en 2010 et en 2011 on a décidé de se réunir. Une envie commune de créer ce collectif nous a rassemblés.
Tom Linton : Il y a eu deux événements marquants, le premier ça a été à Berlin, quand on a rencontré David Czesienski, à qui on a proposé de venir travailler sur un spectacle avec nous, lui nous a proposé de faire L’Assommoir. On a créé ce spectacle avant le collectif. Après ça il y a eu le film festival, toujours à Berlin, ou on a présenté Penthésilée qu'on avait créé au TnBA, et en revenant on s'est dit qu'on voulait s'associer pour créer nos propres spectacles et faire des partenariats européens, et aussi pour permettre à David de venir travailler avec nous en dehors du TnBA qui était notre producteur. Il nous fallait une structure pour produire nos spectacles.
 
Sortir : Vous avez créé, en plus de fonder un collectif, un répertoire personnel ?
M. E : L'Assommoir avait été créé avant le collectif, le premier spectacle crée dans le cadre d'OS'O ça a été Circus Domesticus, une farce en appartement. Le répertoire du collectif varie entre de petites formes pour aller à la rencontre d'un public qui ne va pas au théâtre et aller en dehors des théâtres, aux spectacles comme l'Assommoir, Débris et Timon/Titus qui sont vraiment faits pour les salles et qu'on développe au niveau national.
 
Sortir : Il y donc une volonté de sortir du cadre classique ?
Roxane Brumachon : Même si on fait parfois du théâtre assez classique, on fait des rencontres avec les classes, on aime bien parler aux gens après, il y a cette volonté de contact.
 
Sortir : Revenons sur les deux collaborations avec David Czesienski. Après la première sur l'Assommoir, vous avez décidé de collaborer à nouveau sur Timon/Titus. Qu'est ce qui vous donne envie de faire perdurer ce partenariat ?
T.L : On se retrouve dans la place qu'il laisse à l'acteur. Nous on est convaincus qu'avec très peu de choses, simplement avec des acteurs sur un plateau on peut faire partir le public très très loin. Il suffit de très peu pour les embarquer. L'acteur est au centre de nos projets. C'est un point commun entre nos cinq projets, même s'ils sont esthétiquement très différents. L'Assommoir on l'a créé à partir d'improvisations sur le plateau, David est arrivé avec une adaptation d'une quarantaine de pages et avec ça on a créé des personnages, et avec ces personnages ont a raconté l'histoire de l'Assommoir. Donc c'est nous qui avons fait l'adaptation en improvisant. Il n'avait aucune idée de ce que cela pouvait donner à priori, pas de piste. Tout est parti de nous et lui a pris un rôle de médiateur. Et c'est une qualité énorme de pouvoir à ce point faire confiance aux acteurs.
M.E : Avec le collectif on se met en scène pour les petites formes mais le but c'est aussi d'inviter des metteurs en scène à nous mettre en scène et de choisir le projet avec eux, d'en discuter : ce qu'on va raconter, le thème, la distribution, tout ça c'est vraiment collectif. David se prête vraiment à çà, on partage tout.
T.L : Ce qui fait que l'Assommoir a marché, c'est que tout le monde connaissait le roman sur le bout des doigts. On ne s'est pas contentés de l'adaptation. Comme ce sont les acteurs qui vont raconter cette histoire-là, ce qu'on voit c'est l'imaginaire des acteurs, qui est mis en avant.
 
Sortir : Donc l'idée c'est de bien maîtriser le texte en lui-même pour pouvoir faire sauter le cadre après ?
M.E : C'est exactement çà. Les gens qui avaient beaucoup aimé le roman de Zola retrouvent complètement l'Assommoir et en même temps il y a un décalage amené par les personnages qui racontent.
T.L : Mais cela peut troubler aussi. A la première représentation...
M.E :...les gens qui attendaient une adaptation plus classique étaient un peu déconcertés.
R.B : Ce qu'on aime aussi avec David c'est qu'on fait des allers-retours entre le collectif et ses propositions. C'est nous aussi qui allons défendre les projets auprès des politiques, des théâtres, qui allons chercher les budgets pour pouvoir payer tout le monde...C'est une démarche vraiment différente politiquement.
 
Sortir : L’assommoir est joué au Théâtre du Nord, qu'est-ce qu'on pourrait dire pour donner envie d'y foncer ?
R.B : Moi je peux le faire car je ne suis pas dans le spectacle. Pour ceux qui aiment le jeu d'acteur c'est intéressant car hyper frontal, hyper ludique, très fort, on rit et on pleure. On est bien avec les personnages et au bout d'un moment tout se tend, l'alcool commence à s'en mêler et ça devient vraiment glauque. C'est comme un voyage de deux heures.
M.E : Un monsieur en Auvergne nous a dit : « c'est une épopée ».
T.L : C'est une immense fête qui dégénère, parce que c'est très festif au début et ça va finir pas être très décadent alors que ça se voulait gentillet.