Ô temps, suspends ton vol !

Car la suissesse le proclame, elle est photographe de l’éphémère, fixant sur pellicule des instants de vie à jamais perdus. Érigeant la compassion comme étendard, elle se rattache à l’humanisme, courant photo dont Robert Doisneau, Henri Cartier-Bresson ou Willy Ronis sont les éminents fers de lance. Chacun de ces clichés témoigne ainsi d’une rencontre avec la femme, l’homme, et l’enfant. Les portraits d’enfants, c’est une des spécialités qui l’ont fait connaitre sur la scène internationale, si mouvants, capturant la spontanéité de ces pupilles de la famille humaine. Une famille disséminée aux quatre coins du monde qu’elle parcoure pour des commandes de reportages dans l’après-guerre pour de prestigieux magazines parmi lesquels Life, Vogue ou Time.

Sa pratique photographique transmet cette vision de l’humanité comme une grande famille qu’elle portraitise dès les années 50 en un noir et blanc épuré, direct et lumineux. Une simplicité qui empreint ses scènes de rue et de la vie quotidienne, et ses visions de l’enfance, de l’amour, de la solitude, de la spiritualité. Autant de sujets de prédilection de cette précurseur de la photographie féminine et indépendante, autant de repères qui jalonnent l’exposition Instants Fugaces, première expo consacrée à l’artiste sur le sol français depuis 2008, qui présente pas moins de 120 clichés. Une aubaine pour la base sous-marine de Bordeaux, qui succède à certains des plus grands lieux d’exposition internationaux comme le MOMA à New-York ou le Centre Pompidou à Paris. Comme un reflet des nuances de lumière et d’ombres qui habitent ses clichés, les espaces en clair-obscur de la Base Sous-Marine, figés dans le temps, accueillent et mettent en valeur les atmosphères si chères à la photographe, qui recevra à l’issue de l’inauguration la médaille de la ville de Bordeaux.