Sortir : Pourquoi cette envie de nous ouvrir les portes des ténèbres ?
Kamel Ouali :
Il y a cinq ans, j’ai mis en scène la chanson d’Axel Bauer "Éteins la lumière" et ça m’a donné envie de lire le roman de Bram Stocker. J’ai été séduit par le thème du vampire parce que c’est une figure emblématique, mais le vrai déclic s’est fait en lisant des études sur ce qu’il représente dans les sociétés au travers des époques. Avec ce spectacle, j’offre une nouvelle lecture du thème du vampire, qui plaira aux petits et grands. Un gamin va prendre l’énergie, les adultes vont voir le côté plus sombre, tiré du fantasme…

Sortir : Le thème du vampire est très à la mode depuis Twilight...
K. Ouali :
Il paraît que le vampire revient à la mode en temps de crise, peut-être à cause de cette envie d’immortalité. Ça doit être inconscient chez moi, car ça ne me fait pas rêver du tout ! Dans Twilight, le vampire est un gentil, ce n’est pas le cas de Dracula. Pour le spectacle je me suis plutôt inspiré du film de Coppola, de la série True BloodEntretien avec un vampire aussi. C’est lui qui a fait évoluer l’image du vampire, en le rendant plus sympathique sur certains aspects. Je ne voulais pas que mon Dracula soit un monstre sanguinaire : le spectacle raconte avant tout une très belle histoire d’amour dans laquelle deux personnes qui ne devaient pas se rencontrer vivent finalement quelque chose d’unique.

Sortir : Dans ce spectacle, vous utilisez la technologie 3D, une nouveauté…
K. Ouali :
Les nouvelles technologies m’attirent et me séduisent. Pour un univers fantastique, je ne pouvais pas passer à côté de la 3D relief. Il y a une interaction entre le spectacle vivant et la vidéo. Dracula est un personnage fantastique, qui a des dons, donc tout ça est cohérent. À un moment, les gens doivent mettre leurs lunettes 3D. Ça m’a travaillé quelques nuits, je m’imaginais passer une annonce au micro pendant le spectacle qui dirait :"mesdames et messieurs, attention, il est maintenant l’heure de mettre vos lunettes". Toute la difficulté a été de les amener à le faire de façon plus subtile !

Sortir : Autre particularité du spectacle, le personnage principal est un danseur...
K. Ouali :
Golan Yosef a été découvert aux Etats-Unis, dans une compagnie de danse. En choisissant un danseur, j’avais envie d’offrir autre chose, d’innover dans ce type de spectacles. Mon vampire ne communique pas par la parole mais par la gestuelle et la danse. C’était un pari presque aussi risqué que le choix du thème lui-même, mais j’estime que le vampire a évolué, et que le Dracula d’aujourd’hui devait être différent. J’ai donc décidé de faire confiance à la danse en choisissant des danseurs pour incarner mon couple emblématique, Dracula et Mina.

Sortir : Ce choix, c’est aussi une manière de démocratiser la danse ?
K. Ouali :
Je suis arrivé dans ce genre de spectacles (les comédies musicales) par hasard avec Les Dix Commandements. À l’époque, je ne savais pas ce que ça allait donner, c’était tout nouveau pour moi. Après ça j’ai reçu des courriers d’écoles de danse qui me proposaient de donner des stages chez eux… C’est là que je me suis rendu compte que mon travail avait popularisé la danse, et donné envie à des personnes de se lancer. La danse est une discipline encore peu connue, et surtout qui n’est pas jugée à sa juste valeur. C’est un art à la fois difficile et sublime, et on ne se rend pas compte de l’énorme travail qu’il y a derrière…

Sortir : La troupe de Dracula rassemble des danseurs très différents, y compris un unijambiste…
K. Ouali :
Ah ! Chaque fois qu’on me parle de lui (Brahem Aïache), j’ai la chair de poule ! Je l’ai rencontré y’a quelques années en Algérie alors que je faisais passer des auditions pour un autre spectacle. Il s’est vraiment accroché et a essayé de faire face comme les autres malgré son handicap. À l’époque, je lui avais dit "je vais pas pouvoir te créer une chorégraphie spéciale", et il m’avait répondu "je veux faire comme les autres". Pour Dracula, j’ai tout de suite pensé à lui : il incarne un jeune Anglais rejeté par les autres à cause de sa différence. Brahem dégage plein d’émotions et exprime à lui tout seul une histoire… Il a un talent incroyable !

Sortir : Où trouvez-vous encore l’inspiration pour créer toutes ces chorégraphies ?
K. Ouali :
Quand je travaille sur un sujet, c’est viscéral. L’inspiration me vient des thèmes, des histoires, des artistes avec qui je travaille. Je suis quelqu’un d’instinctif et j’aime bosser sur le moment présent. Rien n’est figé, chaque personnage est un coup de cœur. Ce qui m’inspire, c’est la vie de tous les jours en fait : un film, une personne… Jamais je ne crée  le mouvement pour le mouvement, il faut toujours que ça raconte quelque chose.