Sortir : Paraît-il que vous raconter des bétises dans ce nouvel album...
Anaïs :
Non non, au contraire, on essaye d'entraîner les gens dans les vraies choses de la vie, en s'inspirant de vieilles chansons, qui savaient parler de tout en riant... Du coup, on part dans un tas de trucs, des histoires de putes, y'a pas vraiment de limites. On a essayé de reprendre cette façon de faire en l'intégrant à la musique d'aujourd'hui... ça veut pas dire que c'était plus corrosif à l'époque, mais disons qu'on a essayé de prendre le bon pour l'associer à la multitude de possibilités musicales d'aujourd'hui.

Sortir : Tout de même ce qui vous branche, c'est « faire des conneries pour le plus grand nombre ».
Anaïs :
L'idée, c'est de se dire pas forcément pour le plus grand nombre... Déjà ça me fait rire moi et mes potes ; ensuite, si ça peut faire rire 10 personnes sur 100 mais que ces dix là soient éclatés de rire, je suis d'accord. Une meuf bourrée qui part en live total, c'est drôle, mais ça fait pas forcément rire tout le monde... Pareil quand je m'inspire de certains standards pour partir sur de la country, ça va pas plaire au plus grand nombre. Ce sont mes petits délires, j'aime bien les faire, mais à chaque fois c'est sincère et fait à fond.

Sortir : Au final, ça donne un mélange de fantaisie et d'instrus, des premier et deuxième album en somme.
Anaïs :
Mon premier album n'était pas du tout studio, c'est seulement pour le deuxième que je m'y suis frotté. Celui-ci, je dirais qu'il est plus abouti techniquement, tout en poussant loin chaque délire... En tout cas moi, j'en suis très contente, c'est bien fofolle comme j'aime. Et puis ça me tente bien de prendre des risques : on trouve pas mal de prises live avec les musiciens, beaucoup de voix témoins non retouchées derrière : ça donne une vraie fraîcheur, de la spontanéité, comme on pouvait retrouver dans ce qui se faisait avant.

Sortir : Ce qui confirme aussi votre volonté permanente de sortir des sentiers battus...
Anaïs :
Ce qui me plaît avant tout, c'est la mise en danger. Dès le premier album, le concept était fort : faire passer la pilule avec juste une guitare et une pédale... et je faisais plein de trucs différents ! Mon problème, c'est que je suis pas vraiment capable de rester dans un style, j'aime tout et c'est ça qui m'amuse. J'ai mis du temps à me rendre compte que c'est ça ma particularité : faire de tout.

Sortir : Y compris se rapprocher du music-hall.
Anaïs :
C'était important avec ce nouvel album de rendre hommage à tous ces artistes-là, Marie Dubas, Edith Piaf, Mistinguett, Rina Ketty, injustement oubliés. Par exemple, le chicho n'aurait jamais existé sans Marie Dubas, à laquelle d'ailleurs je rends un hommage particulier à travers À l'eau de javel, le titre de l'album. Associer tout cela à la musique d'aujourd'hui, c'est une façon de boucler la boucle avec ce music-hall.

Sortir : C'est surprenant justement ce mélange music-hall avec du rock, du folk, du swing...
Anaïs :
C'est une question d'instinct, me laisser inspirer de la façon la plus libre possible... c'est pas forcé, au contraire très naturel et le plus bel hommage que l'on puisse faire : ne pas pouvoir placer le résultat dans une boîte. D'ailleurs, l'idée déteint sur les musiciens et toute l'équipe : ne pas se cantonner à des archétypes... Je suis très fière d'avoir mis du dubstep sur Sombreros (et mantilles, l'un de ses morceaux).

Sortir : Et alors ça raconte quoi toutes ces histoires dans vos chansons ?
Anaïs :
Au-delà des histoires, ce qui m'intéresse, c'est dédramatiser la vie en riant... c'était déjà ça avec "Mon coeur, mon amour", quelque chose d'à la fois rigolo et pathétique. J'adore avoir ce recul en écrivant, un peu à la manière des films italiens des années 70, les histoires de couples qui se déchirent sur fond de misère sociale. Au final, ça donne quelque chose de musical et drôle.

Sortir : Une ambiance que l'on va retrouver sur scène ?
Anaïs :
Sur scène, on va avoir une bonne petite équipe : minimaliste mais sans limites, on va essayer d'aller au bout de nos ressources. Vous connaissez Picka Jones ? Un grand chef-d'orchestre américain qui passait à la télé et dont les musiciens savaient tout faire bien... Moi, c'est pareil : je veux des tueurs sur scène, des musiciens capables de partir en samba si ça nous chante.