Ce n’est parce qu’elle est une figure incontournable de ce mouvement fondé dans les années 60 que Mme Ikeda s’endort sur ses lauriers. Jamais rassasiée de nouveauté, c’est après deux mois de répétitions incessantes dans son atelier bordelais avec son complice de toujours Ko Murobushi qu’elle présentera en avril à Arcachon sa nouvelle création. Le mystère plane encore sur la teneur de la pièce. Mais on sait qu’il s’agira, comme toujours dans le butô, d’exprimer à travers le corps et la danse ce que la parole seule échoue à traduire. La beauté, l’horreur, l’amour, la mort. Les blessures profondes et sans cesse ravivées d’un Japon meurtri, d’abord par Hiroshima, puis, alors qu’il est en rémission, frappé une nouvelle fois par le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima.
Un pays touché dans sa chair, une danseuse qui offre la sienne comme un instrument de transmission de l’émotion. Epurés à l’extrême, les décors des spectacles de Carlotta reflètent la désolation des ruines post-apocalyptiques, le maquillage blanc qui englue sa peau évoque une couche toxique, étouffante… Une gangue que seule la poésie du Butô peut fendre.