Avignon 2024: plein les yeux

Pas de quoi restreindre la curiosité de la programmation attentive aux bruits du monde concoctée par Tiago Rodrigues pour sa deuxième année à la tête du plus réputé des festivals du spectacle vivant. Dämon El funeral de Bergman, présenté par la performeuse espagnole Angélica Liddell, dénonce les vanités contemporaines et le poids des tabous. Dans le même registre, la tragédie grecque intemporelle passionne et résonne dans l'âme des spectacles vivants. Hécube par Hécube d'Euripide partage le combat d'une jeune femme qui se bat sans relâche pour que justice soit faite. Joan Carreras, acteur catalan présente Historia d'un senglar, l'artiste y brouille les frontières entre son rôle d'interprète et son personnage lequel se questionne sur le pouvoir et le théâtre avec une touche humoristique. Dans la Mouette de Tchekov ou la Gaviota, Chela De Ferrari, la metteuse en scène redonne du souffle au tourment des désirs avec une troupe d'interprètes de malvoyants et non-voyants ; libérées d'une prison en Argentine un groupe de femmes cisgenres et de personnes transgenres reconstituent leur passé dans Los dias afura. Tiziano Cruz interroge sur le triomphe du néolibéralisme en Argentine avec Wayqeycuna, « Après la tristesse et la rage vient le temps de la réconciliation et de l'abandon ». La vie secrète des vieux, transmet ce sentiment incurable de réminiscence que ce soit les amours passées ou les désirs présents. Mohamed El Khatib chantre d'un théâtre puisant dans le documentaire s'inspire du récit de personnes âgées en dessinant le portrait d'une génération effacée malgré son sens de l'observation sagace. Question réminiscence, Malicho Vaca Valenzuela sait de quoi il parle : originaire du Chili, le comédien traverse le passé avec Reminiscencia. Pendant le confinement, Malicho rédige le récit des habitants de son quartier à Santiago. Il souhaite transmettre l'histoire de son quartier situé au centre de la capitale chilienne. Au fil des témoignages, une toute autre vision s'ouvre dans ce pays « ou il y a des ciels bleus immenses dans lesquels on peut lire mais ou l'on ne sait pas ce qui se cache dans le sol ». L'adolescence construit, blesse et donne naissance à une genèse soudaine. Ceux qui rougissent constitue une mini-série, comédie dramatique qui retranscrit la délicatesse du vertige de l'adolescence. En partenariat avec Arte, la mini-série présente une dizaine de lycéens en option théâtre, pendant un mois un professeur remplaçant débarque et attise la curiosité. A travers cette projection, Julien Gaspar-Oliveri interpelle sur la question de l'intimité. De la légèreté, du spectaculaire et de la danse, The Disappearing explore les racines profondes de l'art flamenco et de la présence des populations afrodescendantes dans le sud de l'Espagne. De quoi animer une riche édition 2024 et se garder une essentielle fenêtre culturelle sur un été largement sportif. 

Image : Història d'un senglar © Felipe Mena