« Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre », les mots du poème de Verlaine pourraient s'appliquer parfaitement à la description des Turbulentes, tant dans chaque édition nouvelle un vent de nouveauté se mêle subtilement avec le savoir-faire accumulé au fil des éditions précédentes. Ce que réussit à merveille le rendez-vous, c'est le mélange. Celui de grands spectacles monumentaux et de propositions plus discrètes, presque intimes. Celui de disciplines artistiques que trop souvent d'autres s'entêtent à séparer mais que les rues de Vieux-Condé réunissent parfaitement. Celui de prouesses athlétiques virtuoses et de spectacles qui préfèrent les mots aux gestes. Celui de propositions qui frappent au cœur et parlent à l'intelligence et d'autres qui invitent à une évasion bienvenue, par le rire ou pas. Celui qui naît entredes habitants, largement mobilisés pour participer et accompagner le festival et des artistes, qui viennent l'habiter, le temps d'une résidence ou de quelques représentations. Celui enfin qui, couvé comme une braise fragile, s'enflamme dans la rencontre entre un spectacle et son spectateur.
Des grandioses illuminations d'Hôtel particulier, création 2015 de la Cie Carabosse aux tribulations de Djamel Afnaï qui dans tleta raconte celles de sa famille, de la lente déambulation de la Khta compagnie (et de son public) à bord d'un camion-gradin à la chorégraphie millimétrée et enthousiaste de Around par le groupe Tango Sumo, de klug la marionnette à Patrice de Benedetti et Jean, solo pour un monument aux morts, les chemins arpentés par les Turbulentes continuent d'être multiples et complémentaires plutôt qu'antagonistes. Qu'on y vienne voir un spectacle précis ou qu'on y soit simplement poussé par une saine curiosité, les rues de Vieux-Condé ouvrent, le temps d'un gros week-end, sur des univers aussi multiples qu'attachants. Familles et connaisseurs s'y côtoient dans une bonne humeur entretenue par des spectacles inclassables. Se renouveler sans se répéter tout en gardant une approche pétrie d'une humanité jamais feinte : un exploit répété avec humilité depuis des années par les Turbulentes et l'équipe du Boulon. Ce n'est pas pour rien que le lieu a été consacré Centre national des Arts de Rue. Des rues qu'on arpente jamais trop.