KEPA + THÉO CHARAF
Il existe mille façons d’avoir le blues. Quand le Bayonnais Bastien Duverdier, skateur professionnel, a dû rendre sa planche, vaincu par une maladie nommée spondylarthrite, il a empoigné un dobro (une guitare à résonateur), sorti les griffes et hurlé à la mort sur les tombes des damnés du Mississippi. Mais depuis son premier album, Doctor Do Something (2018), KEPA s’est enfoncé dans les abysses extatiques des antidouleurs, sans se soucier des conventions du genre. Comme halluciné entre rock et blues, Divine Morphine est un album à la dérive. Le lonesome cow-boy du Sud-Ouest, en one-man-band (guitares, harmonicas, claviers, bruitages…), y salue l’esprit profane de Skip James, sur un Hard Time Killing Floor dépressif, escorte plus loin en créole la Sodade (méconnaissable !) de Cesaria Evora au souffle d’une trompette exténuée. Facétieux, imprévisible, il embarque dans son errance métalleuse la hobo Sarah McCoy, qui met en sourdine sa voix de lionne pour chanter avec lui qu’il y a « du plomb dans l’eldorado ». Le spleen demeure, ouateux, noyé de réverbération, tranquillement euphorisant.
A 27 ans, THÉO CHARAF joue de la guitare et chante avec le supplément d’âme de ceux qui le font pour les bonnes raisons, pour s’exprimer et passer un flambeau qui réchauffe, plutôt que par imitation. Quand il joue, Théo Charaf est traversé par les esprits de Mississippi John Hurt, Skip James, Blaze Foley ou tous ces folksingers des grands espaces cabossés par l’existence et la route.
Publié le 21/12/2021