Sortir Bordeaux Gironde : Bah alors tu t'es perdu, c'est ta première sur Bordeaux ?
Didier Super :
Ouais, on a un peu trainé dans les boulevards, on a fait demi-tour, on savait pas trop en fait, on voyait ça plus bas... Bordeaux ? On était venu faire deux concerts inutiles une fois, à la Mac de Pessac et au CAT. Ici visiblement c'est différent : les gens ils payent leur place, c'est qu'ils doivent pas connaître... donc voilà, j'ai une heure et demi pour les décevoir maintenant. Et au fait t'es qui toi, t'aurais bien une gueule de rital...

Sortir : Raté, Portugais.
Didier :
Ah ouais ? Bof, c'est la même chose, hein...

Sortir : Et donc, faut t'appeler Didier ou Olivier ?
Didier :
Didier, c'est mon deuxième prénom en fait... dès qu'on m'appelle Didier, j'sais que j'ai à faire à un sale lèche-cul qui va me parler boulot.

Sortir : Alors, comment ça a commencé c't'histoire ?
Olivier :
Au début, j'faisais du théâtre de rue en vélo, un spectacle d'une heure calé, avec des personnages et les mêmes chansons, un truc dérangeant et grassouillet. Et puis j'ai balancé un clip sur internet, c'est là que ça a commencé à décoller... le net m'a rendu presque crédible. Mais moi, j'en ai rien à foutre, j'étais intermittent avec mon vélo : j'ai jamais rêvé d'faire c'que je fais, j'ai pas d'ambitions : c'est le meilleur moyen d'faire carrière.

Sortir : Justement comment tu vois cette "carrière" et Didier Super, l'artiste ?
Olivier :
J'suis l'un des rares chanteurs français à faire d'la chanson d'qualité. J'ai l'impression aujourd'hui que les radios et les télés sont squattées par des gens qu'on dit artiste mais qui sont plus motivés par l'envie de réussir que l'envie de créer. Derrière, le public s'emmerde... Faut pas croire, le téléchargement, c'est pas tout. Moi mon boulot, c'est d'être sur scène : un disque, ça a pas plus d'importance qu'un T-shirt. On m'donne deux francs par disque vendu, alors finalement, j'perds pas trop d'argent dans l'histoire. On m'télécharge, les salles sont pleines. Si j'laisse les gens télécharger mon disque librement, c'est par intérêt finalement.

Sortir : Et ces chansons, ces paroles improbables, mais pourquoi ?
Olivier :
J'sais pas, j'fais c'qui m'passe par la tête, j'sors des conneries, j'hallucine... c'est l'cosmos qui m'parle. C'est là toute la différence entre les artistes et l'industrie. J'ai un copain, il dit que c'est les extra-terrestres qui me soufflent ces idées...

Sortir : Tu comprends les gens qui t'comprennent pas ?
Olivier :
Pour ceux qui m'comprennent pas, j'suis un incompris... mais bon, de toute façon, j'suis pas là pour accumuler la clientèle, on fait pas ça pour être aimé par les gens.

Sortir : C'qui peut entraîner des "mauvaises réactions"...
Olivier : 
Bah ça arrive, une fois par exemple, une bande de punks, ils ont mal pris la chanson sur les petits anarchistes, bon... Après ces gens-là, dont j'parle dans mes chansons, c'est aussi une façon de montrer qu'ils existent : on regarde toujours nos pompes quand on les croise. Parfois, ça donne des salles qui s'vident, et pi moi j'leur dis : "à vot' service !" Les gens qui comprennent, je bouffe grâce à eux, et ceux qui comprennent pas, c'est à eux qu'ça profite... c'est un peu prétentieux, hein ?

Sortir : Sûrement ouais (sourire niais)... Et ton image de marque Didier ?
Olivier :
En général, le public post-adolescent est persuadé que j'existe en tant que Didier, du coup y'a un malentendu dans les concerts... C'est comme ça à peu d'choses près dans la vie, mais bon toi, tu viens jouer, c'est pas vrai. Avec une chanson comme Y'en a des biens, certains pourraient s'dire que j'suis un peu raciste... dire les choses comme ça, si les gens ils comprennent pas, c'est pas forcément une bonne chose, ça reflète pas totalement l'bazar. Bon là on est au théâtre, les gens sont assis, ils ferment leur gueule.

Sortir : Justement, pourquoi tu fais du théâtre, en plus des concerts ?
Olivier :
Parce que j'ai assez d'talent pour faire les deux ! Et puis quand j'suis seul sur scène, j'suis pas emmerdé par des musiciens qui ont moins d'talent. Et même si moi, j'tourne pas grâce à mon talent, mais parce que les programmateurs savent que j'remplis les salles : quand ils veulent un spectacle qui marche, ils m'prennent... et parfois ils s'surprennent à n'pas être déçus.

Sortir : J'me souviens d'un concert mythique, t'étais arrivé sur Allumez le feu de Johnny...
Olivier :
C'est l'genre de chanson qu'tu connais alors que t'as pas envie d'connaître, forcément ça fait réagir... Les reprises de Johnny, c'est pas loin d'être mes préférées. C'est un symbole, mais c'est plus que ça : Johnny, c'est un alcoolique dont on n'est même pas sûr que c'est lui qui chante... il a rien à dire, il a jamais écrit une seule parole.

Sortir : Bon voilà, on a fait l'tour du bonhomme je crois...
Olivier
: Ba ouais, t'as d'la matière là hein ? J'vais aller voir les autres (journalistes) après, j'vais leur dire tout l'contraire de c'que j'viens d'te dire (énième sourire large et quelque peu timide à la fois). Sinon t'es du Nord toi-aussi, t'es d'où ?...