Sortir : Petit voyage dans le temps, 20 ans en arrière, pouvez-vous nous remémorer les débuts de Didier jeunesse ?
didierjeunesse.jpegMichèle Moreau : L'origine du projet : l'apprentissage du français par les enfants d'origine étrangère, autour des comptines. Jeune maman à l'époque, ça m'intéressait aussi en dehors du côté scolaire, ça a réveillé en moi cette culture des comptines, qui m'avaient nourrie plus jeune... Et je suis devenue passionnée ! Nous ne sommes pas nombreux sur ce domaine dans l'édition. La suite fut l'élargissement aux comptines du monde, ainsi Les comptines et berceuses du Baobab est un vrai best-seller avec plus de 90 000 exemplaires vendus ! Peu à peu, on s'est diversifié, reprenant des propositions originales d'auteurs et illustrateurs.

Sortir : Comment expliquez-vous cette désaffection pour les comptines ?
M. Moreau :
Autrefois, elles se transmettaient oralement, naturellement, d'une génération à l'autre, dans les cours de récré... Chacun avait son répertoire, des textes marquants que les plus jeunes n'ont pas reçu en cadeau : ce répertoire très fort, parlant de sexualité, de mort, - Le P'tit Quinquin par exemple parle d'une maman qui doit travailler et veut que son enfant lui fiche la paix ! -  a été édulcoré, perdant leur force en passant dans les manuels scolaires, il y a eu un creux. Il y a 20 ans émergeait cette nécessité de ressuscité le répertoire, les parents, les personnels de crèche et d'école retrouvaient un vrai plaisir à chanter avec les enfants. On se souvient tous d'une comptine, en région comme en Afrique ou au Portugal, tout de suite, ça résonne !

Sortir : Les livres pour enfants sont parfois un peu dévalorisés :lagrenouilleagrandebouche.jpg
M. Moreau : Oui, la culture de l'enfance reste souvent considérée comme une sous-culture, c'est complètement faux ! Mon travail d'éditrice consiste justement à proposer plusieurs niveaux de lecture, différentes approches, de belles illustrations... Pour séduire les parents, parce que c'est beau, c'est drôle. on doit aussi trouver l'alchimie entre auteur et illustrateur, il y a autant d'histoires que d'albums, des textes nous arrivent, on propose un illustrateur du même univers, ou au contraire un bon contre pied, il y des rencontres, ou le rêve de travailler avec untel ou untel... L'éditeur n'est pas qu'une boîte aux lettres, on est un maillon essentiel, un chef d'orchestre, pour marier tel auteur avec tel illustrateur, intervenir sur les textes, le découpage, les crayonnés, partie méconnue par le grand public de notre travail.

Sortir : Comment choisissez-vous vos auteurs ?
M. Moreau :
On reçoit 5 à 6 manuscrits par jour, énormément de propositions, alors que l'on publie une trentaine de nouveautés par an, une production assez modeste : nous n'avons pas voulu aller vers l'inflation des titres, d'où un gros travail de sélection, de choix, de fidélité à nos auteurs. De rencontres en rencontres, on a lancé énormément de jeunes plumes.

Sortir : Que souhaitez-vous pour les 20 prochaines années ?
M. Moreau :
Que l'on trouve toujours autant de sens, d'énergie et de belles idées pour travailler autour des livres pour enfants. Et quand je vois que ce plaisir va jusqu'au lecteur, je me régale !