L’art urbain d’Ernest Pignon-Ernest

Bonne idée que celle des commissaires de l’exposition Cordélia Hattori et Régis Cotentin, de proposer à Ernest Pignon-Ernest de se frotter avec les grands noms de la Renaissance italienne qui constituent le fleuron de la collection Wicar dont on fête cette année le 250^ème anniversaire de sa naissance. Botticelli, Dürer, Raphaël, Michel-Ange, Poussin… Ces quelques deux cent feuilles choisies par l’artiste nous en disent long sur les résonnances possibles entre deux époques éloignées de quatre siècle et sur la veine résolument baroque développée par Ernest Pignon-Ernest dans la sinuosité virevoltante de son trait célébrant le mouvement des corps. Puisant son inspiration dans les dessins anciens présentés sur les murs, Ernest Pignon-Ernest a investi tout l’espace central en mettant en scène à la manière d’un atelier, son hommage d’un moderne aux anciens.

Le point commun entre Marie – Madeleine, Hildegarde Von Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, Marie de l’Incarnation et Madame Guyon ? Ce sont des mystiques chrétiennes que l’athée Ernest Pignon Ernest fréquente depuis quelques années, fasciné par la poésie et les contradictions entre le refus du corps à qui l’on inflige des souffrances et la sensualité du verbe incarné qui émanent des textes de ces femmes étonnantes à plus d’un titre. On pense bien sûr devant ces sept portraits au Bernin et à sa sainte Thérèse romaine. L’œil circule entre la fluidité des dessins, le miroir d’eau au sol et les statues originelles de la chapelle, happé par le pathos dégagé par l’incarnation de ces folies mystiques plus napolitaines que lilloises. La force de l’émotion que dégage cette installation vient peut-être d’un équilibre mystérieux entre le réel et l’invisible, l’ombre et la lumière, le vide et le plein, la courbe et la contre-courbe.