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théâtre

Dom Juan : David Bobée déboulonne

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Avec son personnage a priori à rebours des combats de l'époque, la pièce de Molière ne constitue pas le plus évident des choix pour un nouveau spectacle. C'est pourtant ce texte qu'a choisi David Bobée pour sa nouvelle création.

 

 

Plutôt que de se contenter de jeter à bas les figures de l'histoire de l'art devenues encombrantes au regard de nos sociétés modernes, David Bobée fait le choix courageux de s'y plonger, non pour les revisiter, mais pour les mettre en scène et les raconter selon des prismes différents. « Evidemment, je me suis posé la question de ce personnage au parcours et aux attitudes aujourd'hui inacceptables. En relisant la pièce, j'ai réalisé que dans chaque scène Dom Juan incarne une forme de domination. Il y a donc là un motif politique qui m'interpelle et m'a donné envie d'en donner un éclairage différent » relate le metteur en scène et directeur du Théâtre du Nord à Lille. Toujours concerné par les questions de société, l'artiste, par l'entremise de la scène, entend affirmer un choix fort : celui de ne pas déboulonner les statues ni de réécrire l'histoire, mais bel et bien de la remettre à sa juste place.

 

C'est donc au milieu des statues que ce Dom Juan version 2023 prend place, comme pour donner corps à la pétrification progressive du personnage et à sa fuite en avant vers une auto-destruction inéluctable. Débordant les clichés, sans réécrire le texte (à peine un peu de montage dans l'enchaînement des scènes), le travail de la mise en scène rend plus sensible encore la domination que le personnage exerce à l'encontre de ceux qu'il croise. « Les mots de Molière, outre leur évidente qualité littéraire, ne sont pas tendres du tout. Et ce qu'il donne à voir de son personnage s'avère sans complaisance » rappelle le metteur en scène. « Dès lors, replonger dans la pièce consiste moins en une relecture qu'en un travail d'exposition des mécanismes de violence systémique qui sont déjà à l'œuvre. Tout ça permet de fournir des outils pour une lecture critique de ces mécanismes. Bien entendu, cela implique de continuer à représenter cette violence mais pas n'importe comment, jamais gratuitement ou dans des conditions troubles. Toute l'équipe est au clair avec ce que nous faisons, c'est essentiel ». Au milieu des dieux oubliés, des conquistadors déchus ou des figures politiques abandonnées, le spectacle fait également le choix d'une diversité revendiquée dans sa distribution, éclectique, bourrée de talents et construite avec pour seule boussole la pertinence et l'éclairage du texte. Et Bobée d'ajouter : « Cela fera sans doute grincer les puristes de Molière mais je m'en moque. Je ne me suis autorisé que quelques petites libertés en distribuant volontairement à des femmes des rôles écrits pour des hommes ou en fusionnant deux personnages de façon à rendre encore plus perceptibles les rouages de cette oppression dont abuse Dom Juan, jusqu'à s'y enfermer et se pétrifier ». Une manière de plus, sans dénaturer la pièce de lui conserver tout le mordant qu'y mettait Molière à l'époque.

Publié le 23/02/2023 Auteur : Guillaume Branquart

 

 

Dom Juan ou Le Festin de pierre : les 2 et 3 mars à 20h, Palais des arts, Vannes, 5-32€, www.scenesdugolfe.com


Mots clés : Dom Juan